Le quotidien américain, le «Washington Post», 2 000 documents à l’appui, explique les mille et une erreurs de l’administration américaine dans la guerre et la reconstruction en Afghanistan.
Dans une grande enquête intitulée «En guerre avec la vérité», le Washington Post met en exergue les dévoiements des gouvernements américains successifs dans le conflit de l’Afghanistan.
Les documents produits comme preuves, proviennent en grande partie de l’«Inspection générale spéciale pour la reconstruction de l’Afghanistan» (Sigar), créée en 2008 pour enquêter sur les dépenses abusives liées à ce pays.
Ils ont été obtenus après trois longues années de procédure judiciaire, et ont vite été surnommés «Afghanistan Papers», en référence aux «Pentagone Papers» dévoilés en 1971 au sujet de la guerre au Vietnam.
Pour Douglas Lute, à l’époque responsable pour l’Irak et l’Afghanistan au Conseil de sécurité nationale.
Nous étions dépourvus d’une compréhension de base de l’Afghanistan, on ne savait pas ce que l’on faisait.
Quand les Etats-Unis se décident à intervenir avec leurs alliés en Afghanistan, moins d’un mois après les attentats du 11 septembre, les objectifs semblaient clairs. Il s’agissait de mener une guerre contre le groupe terroriste Al-Qaïda, l’auteur des attaques, et d’empêcher ainsi de nouveaux attentats.
Mais entre l’influence des talibans, le rôle flou du Pakistan et l’émergence du groupe jihadiste Daesh, l’armée américaine ne parvient plus à savoir qui sont ses véritables ennemis.
Un ancien conseiller des forces spéciales témoigne,
Ils pensaient que j’allais arriver avec une carte leur indiquant qui étaient les bons et les méchants. Il leur a fallu du temps pour comprendre que je n’avais pas ces informations. Au début, ils n’arrêtaient pas de me demander : ‘Mais qui sont les méchants ? Où sont-ils ?’
Les Américains, comme pendant la seconde guerre mondiale, vont mettre en route la planche à billets pour accompagner la reconstruction de l’Afghanistan.
Selon une étude de l’université Brown, le seul département de la Défense a dépensé entre 934 et 978 milliards de dollars pour la guerre et la «pseudo-reconstruction». Ce montant est de loin supérieur à celui du plan Marshall destiné à soutenir l’Europe occidentale.
L’argent devait servir à développer les écoles et les infrastructures, dans le but d’améliorer la sécurité et de lutter contre le sentiment antiaméricain de la population.
Mais selon James Dobbins, ancien haut diplomate américain,
Nous n’envahissons pas les pays pauvres pour les rendre riches, Nous n’envahissons pas des pays autoritaires pour les démocratiser. Nous envahissons des pays violents pour les rendre pacifiques, et nous avons clairement échoué en Afghanistan.
Les États-Unis n’ont pas pris en compte l’histoire du pays, marquée par le tribalisme, le monarchisme, le communisme et la loi islamique.
Notre politique était de créer un gouvernement central fort. Mais c’était idiot parce que l’Afghanistan n’a pas d’antécédents de gouvernement de ce type.
Christopher Kolenda, cet ancien colonel basé en Afghanistan, explique la situation,
La petite corruption est comme le cancer de la peau. Il existe des moyens pour y faire face et vous serez probablement guéri. La corruption au sein des ministères, au niveau supérieur, est comme le cancer du côlon. C’est pire, mais si vous le diagnostiquez à temps, vous guérirez probablement. En revanche, la kleptocratie est comme le cancer du cerveau. C’est fatal. Et c’est ce qui s’est passé avec l’administration du président Hamid Karzai.
Selon les notes révélées par le Washington Post, «la population afghane aurait fini par assimilé la démocratie à la corruption».
Pour ne pas révéler tous les dysfonctionnements à l’opinion américaine, il a fallu de même mener des opérations de propagande interne efficaces.
Chaque donnée était transformée pour dépeindre le meilleur tableau possible.
Cette guerre de l’information explique sans doute le décalage entre les déclarations des politiques et le ressenti des acteurs sur place.