En octobre 2019, le brigadier de police Haykal Rezgui Raouaji dénonce par écrit le racisme dans sa brigade auprès de sa direction.
Face à l’inaction de sa hiérarchie et aux représailles, il a décidé de porter plainte pour racisme, harcèlement moral et discrimination. C’est la première fois qu’un policier porte plainte contre la police nationale.
Le brigadier affiche une carrière de 16 ans sans faute avec une décoration en 2016 par le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, après le sauvetage de deux enfants d’un incendie.
Passé par Nice, Nîmes, Vannes, l’Île-de-France, il est muté à Strasbourg en septembre 2018. Dès son arrivée, il sent qu’il n’est pas le bienvenu : « Lors de la semaine de présentation, j’entends : « Rezgui Raouaji, un nom bien français de chez nous. C’était toujours des petites blagues, quand j’arrivais ils parlaient Alsacien, on vous fait sentir que vous n’êtes pas du groupe. »
Du racisme ambiant à la profonde dépression
Haykal Rezgui Raouaji, policier à Strasbourg depuis 2 ans porte plainte contre la police nationale pour racisme, discrimination et harcèlement moral. pic.twitter.com/KYaAlGKorO
— France Bleu Alsace (@bleualsace) September 19, 2020
Haykal Rezgui Raouaji dénonce le calvaire qu’il a subi au sein de la police strasbourgeoise par l’intermédiaire de son avocate, Me Kaoutare Choukour :
« Dès son arrivée, mon client a subi des moqueries en lien avec son nom de famille en parlant d’un “nom bien français”. Il a observé ses collègues se réjouir de “gratter (verbaliser, ndlr) des bougnoules”. Il a entendu son chef de brigade employer le même terme raciste devant toute l’équipe. Pendant sa courte carrière au sein de la Fmud strasbourgeoise, il a été constamment ramené à ses origines arabes et à sa religion musulmane supposée de façon péjorative, au point de le faire sombrer dans la dépression. »
Du côté des syndicats, on lui explique que s’il veut être muté à Toulouse, sa ville d’origine, il ne faut pas justifier son départ par le racisme mais par une « mauvaise intégration« . « Ce qui est totalement faux, je me sens très bien en Alsace, c’est juste ce service« , déclare le policier. Depuis mai dernier, Haykal Rezgui Raouaji a repris le travail dans la brigade de Schiltigheim. Lors d’une pause café au commissariat, il expose la situation à Christophe, un responsable syndical d’Alliance Police. Une conversation qu’il enregistre avec son téléphone portable, dont « Là-bas si j’y suis » a publié un extrait ci-dessous.
Nous publions également un document édifiant : à la machine à café, un dialogue en micro caché entre le policier HAYKAL, victime de racisme de la part de ses collègues, et CHRISTOPHE, son responsable syndical @alliancepolice. En intégralité ici : https://t.co/1jk0EkOCFl pic.twitter.com/qRBZGduVKx
— Là-bas si j’y suis (@LabasOfficiel) September 17, 2020
Une affaire sensible
L’avocate du policier s’attend à un combat de longue haleine. « On s’attaque à l’institution policière, ça arrive très rarement, moi je le ressens déjà, la manière dont je suis accueillie au commissariat central, elle est désagréable« , déclare maître Kaoutar Choukour. L’avocate s’appuie sur plusieurs éléments pour défendre son client : « nous avons des captures de messages, qui ne laissent place à aucune ambiguïté. Certains de ses collègues sont prêts à témoigner. »