Le second tour des élections législatives françaises a placé en tête la coalition de gauche, le Front Populaire, avec 182 sièges, suivi par Ensemble avec 168 sièges, tandis que le parti nationaliste d’extrême droite, le Rassemblement National, a pris la troisième place avec 143 sièges. La victoire de la gauche permettra de redessiner la carte politique de l’Union européenne (UE) en se basant sur le poids de Paris. De plus, elle pourrait, conjointement avec la victoire du Parti travailliste au Royaume-Uni, dynamiser la campagne du candidat démocrate lors des prochaines élections présidentielles aux États-Unis.
Tous les indicateurs prédisaient la victoire de l’extrême droite nationaliste, le Rassemblement National, qui était arrivé en tête au premier tour. La plupart des articles, tirés d’une encre dramatique, prédisaient un avenir sombre pour la France et oubliaient l’adaptation au pouvoir du parti vainqueur, aussi radical soit-il, de droite ou de gauche, car au final, la France est un pays d’institutions.
Beaucoup n’ont pas rappelé l’existence d’une recette antérieure dans la pratique politique française remontant à 2002, lorsque Jacques Chirac avait remporté la victoire contre le fondateur de l’extrême droite, Jean-Marie Le Pen, grâce à une alliance des partisans français contre l’extrémisme. Cela s’est répété lors des récentes élections présidentielles, qui ont accordé la victoire à l’actuel président, Emmanuel Macron, contre son adversaire d’extrême droite, Marine Le Pen. Si cette recette avait été répétée au premier tour, c’est-à-dire une confrontation entre l’extrême droite et une coalition formée par la gauche et les libéraux, l’extrême droite n’aurait pas remporté 142 sièges. L’ironie est que ces dernières semaines, le monde parlait de la France extrémiste et de l’arrivée du « croquemitaine extrémiste », et en un clin d’œil, peu après 20 heures le dimanche 7 juillet, tout le monde a commencé à parler de « la France de gauche ». L’événement historique est que, pour la première fois, une coalition de gauche menée par l’extrême gauche a remporté la première place aux élections législatives françaises. C’est un précédent depuis la Seconde Guerre mondiale, surtout dans ce que l’on appelle « l’ère de la Cinquième République ». Commentant ces résultats, le journal numérique Mediapart a titré : « La Gauche Sauve la République », en référence à la préservation de l’équilibre politique et social en France au lieu de la montée du discours extrémiste. La victoire de la coalition de gauche porte beaucoup de significations et de conséquences politiques qui affecteront le chemin de la France et de l’Europe dans les années à venir. La difficulté de former le prochain gouvernement en raison de la fragmentation du Parlement et de la division entre les trois forces mentionnées restera secondaire et sera surmontée. La question principale sera les conclusions majeures de ces élections et leurs effets, que ce soit à l’intérieur de la France ou au-delà de ses frontières.
À cet égard, plusieurs observations peuvent être faites :
Premièrement, la gauche radicale, qui gérait la scène politique sans chances de remporter les élections et de former le gouvernement, est devenue fortement présente depuis les élections du dimanche 7 juillet 2024, une présence qui s’étendra sur de nombreuses années. Peut-être que ce qui a permis à la gauche de remporter la première place était une combinaison de facteurs, notamment le retour de l’attention aux préoccupations des citoyens sur l’agenda des partis et la prise de conscience des électeurs français de la nécessité de former un rempart contre l’avancée de l’extrême droite nationaliste. Cette victoire n’empêche pas de tenir compte des progrès substantiels de l’extrême droite, qui était une force marginale, est devenue une force secondaire et est maintenant devenue une force majeure qui pourrait surprendre lors des élections de 2027.
Deuxièmement, le retour de la gauche à l’UE, avec une France de gauche s’ajoutant à un pays devenu un poids lourd sur la scène européenne, à savoir l’Espagne, dirigée par le Parti socialiste. De plus, la victoire du Parti travailliste aux élections britanniques la semaine dernière contre les conservateurs, qui ont gouverné pendant 14 années consécutives, est considérée comme un coup de pouce pour la gauche européenne. Cela ressemble au progrès de la gauche dans les pays d’Amérique latine au cours de la dernière décennie. Le progrès de la gauche arrêterait l’agenda extrêmement libéral d’approche de l’économie, qui a beaucoup influencé les gouvernements européens. Le retour de la gauche raviverait également les espoirs des partis de gauche dans d’autres pays, comme l’Italie, de regagner le pouvoir face à l’extrême droite nationaliste, comme cela a été le cas à Bologne l’année dernière.
Troisièmement, la victoire de la gauche en France et en Grande-Bretagne donne de l’espoir au Parti démocrate américain contre les républicains. Que le président américain Joe Biden reste candidat ou soit remplacé par un autre, malgré la différence de contexte politique entre les États-Unis et l’Europe, l’influence politique mutuelle s’est fait sentir davantage au cours des deux dernières décennies entre les deux partis. Comme les Français, l’électeur américain pourrait prendre conscience de la nécessité de construire un rempart contre l’extrémisme du candidat républicain, Donald Trump.
Quatrièmement, l’une des conclusions les plus marquantes de ces élections est la stratégie utilisée par la gauche pendant la campagne. Elle a adopté le style des partis de gauche en Amérique latine, comme le Brésil, le Chili et le Mexique, qui se sont concentrés principalement sur un agenda social basé sur le principe que la politique doit servir les citoyens. La gauche s’est concentrée sur des questions telles que la limitation des hausses de prix, la révision de l’âge de la retraite, la nécessité de restaurer le niveau précédent de protection sociale et de mettre fin à la soumission de l’État aux exigences des entreprises multinationales ou aux conditions injustes de l’UE concernant les services sociaux et le déficit commercial. La gauche a axé la campagne sur le porte-à-porte auprès des électeurs et l’engagement sur les réseaux sociaux avec les jeunes, car les grands médias comme CNews et BFM TV mettaient en avant la droite modérée et extrême.
Le front démocratique en France a réussi à arrêter l’avancée de l’extrême droite, et le grand défi reste à affronter les problèmes épineux qui ont semé le désespoir parmi les électeurs et les ont poussés à compter sur les extrémistes. Gagner est la première étape, comme diagnostiquer une maladie, et répondre aux demandes des citoyens revient à la traiter.