Un artiste britannique s’est vu retirer un prestigieux prix allemand d’architecture, d’une valeur de 10 000 € (10 800 $), après avoir signé une lettre ouverte appelant au boycott des institutions culturelles israéliennes, soulignant l’hostilité croissante de l’Allemagne envers les critiques de l’État d’apartheid.
James Bridle a été informé par e-mail que la Fondation Schelling pour l’architecture avait décidé à l’unanimité de révoquer son prix de théorie, quelques jours avant la cérémonie prévue mercredi à Karlsruhe. La Fondation a justifié sa décision en affirmant que le soutien de Bridle au boycott culturel était « en contradiction directe » avec les responsabilités découlant de la « conscience de l’histoire nationale de l’Allemagne ».
Cette décision a suscité des critiques, certains dénonçant l’interprétation par l’Allemagne de sa responsabilité historique envers le peuple juif. Selon eux, Berlin se trouve dans un dilemme insoluble, exposé par son soutien inconditionnel aux actions d’Israël, notamment le génocide, le nettoyage ethnique, la colonisation et l’invasion de la Palestine.
« En résumé, l’argument officiel repose sur deux points : d’abord, l’Allemagne a perpétré l’Holocauste des Juifs européens, ce qui constitue une sorte de péché originel collectif transmis aux générations allemandes suivantes ; ensuite, en tirer des leçons signifie soutenir Israël inconditionnellement, quel qu’en soit le coût », explique le professeur Jurgen Mackert, mettant en lumière le soutien problématique et inébranlable de l’Allemagne à Israël.
La décision de la Fondation intervient après l’adoption récente d’une résolution multipartite au Bundestag intitulée « Plus jamais, c’est maintenant », qui interdit le financement public d’organisations qui « remettent en question le droit d’Israël à exister » ou soutiennent les mouvements de boycott non violents. Des ONG internationales, dont Amnesty International, ont critiqué cette résolution, l’accusant de confondre antisémitisme et critique des violations des droits humains par Israël.
S’exprimant dans *The Guardian*, Bridle a qualifié cette décision « d’accusation d’antisémitisme, ce qui est abject », notant l’ironie du fait que le jury avait initialement salué son livre de 2022, *Ways of Being*, qui abordait le « mur de l’apartheid » d’Israël en Cisjordanie occupée illégalement.
Cette controverse survient alors que des milliers de figures culturelles appellent au boycott des institutions israéliennes. La lettre de LitHub signée par Bridle, qui a recueilli 5 500 signatures supplémentaires d’auteurs et de professionnels du livre, qualifie les actions d’Israël à Gaza de « génocide » et affirme que « les institutions culturelles israéliennes, travaillant souvent directement avec l’État, ont joué un rôle crucial dans l’obscurcissement, la dissimulation et la justification artistique de la dépossession et de l’oppression de millions de Palestiniens depuis des décennies ».
Parmi les auteurs notables soutenant le boycott figurent Robert Macfarlane, Michael Rosen, Jesmyn Ward et Greta Thunberg. La lettre représente l’un des plus grands engagements en faveur du boycott culturel jamais pris par la communauté littéraire mondiale à l’égard d’Israël.
Mackert soutient également qu’en réduisant l’ensemble de son histoire brutale au seul crime de l’Holocauste, l’Allemagne n’a pas tenu compte de sa violence coloniale contre d’autres peuples et, par conséquent, n’a tiré aucune véritable leçon.