La gestion policière d’une manifestation ce week-end à Londres contre le génocide israélien à Gaza a été d’une sévérité alarmante, rappelant la répression des réformateurs du début du XIXe siècle au Royaume-Uni.
À l’époque comme aujourd’hui, la stratégie étatique visant à réprimer la dissidence soulève des questions cruciales sur l’équilibre entre sécurité et libertés civiles.
Samedi, bien qu’un accord ait été conclu pour permettre aux manifestants de se rassembler entre Trafalgar Square et Parliament Square, la police a imposé des mesures draconiennes. Les manifestants ont été cloisonnés en sections, empêchant tout regroupement avec des amis ou proches.
Les forces de l’ordre ont dicté les horaires des discours et interdit toute musique avant leur début. Plus de 1 000 policiers ont été mobilisés, adoptant une posture agressive et provocatrice, créant un climat tendu avant même le début du rassemblement.
Malgré ces provocations, les manifestants – dont beaucoup participent régulièrement à ces mobilisations depuis 15 mois – sont restés pacifiques et déterminés. De toutes origines et croyances, ils ont fait entendre leur message par des slogans et des pancartes, gardant la dignité de leur cause face aux restrictions policières et à la tragédie en cours.
Escalade policière
Après les discours, Ben Jamal, directeur de la Palestine Solidarity Campaign, a annoncé une initiative symbolique : déposer des fleurs devant les studios de la BBC en hommage aux victimes. Les manifestants ont dégagé le passage pour une délégation comprenant des députés, des célébrités, un survivant de l’Holocauste de 87 ans et d’autres participants.
Cependant, arrivés à Whitehall, bien que la police ait initialement permis leur passage, la situation a rapidement dégénéré. La police a procédé à plus de 70 arrestations, inculpant 10 personnes, dont certaines âgées de plus de 60 ans, pour troubles à l’ordre public.
Cette répression a été utilisée pour discréditer le mouvement pacifique et saper la quête légitime d’autodétermination palestinienne.
Retour à des pratiques répressives
Ce durcissement reflète une pression croissante de groupes pro-israéliens, tels que la Campaign Against Antisemitism, qui appelaient depuis plus d’un an à interdire ces marches. Des rapports indiquent également que des députés, des Lords et le grand rabbin Ephraim Mirvis ont influencé la décision de la police.
Cette répression rappelle la tragédie de 1819, où des manifestants pacifiques à Manchester, réclamant des réformes parlementaires, furent brutalement réprimés par la police lors du massacre de Peterloo. Bien que la manifestation de samedi n’ait heureusement causé aucune perte humaine, la suppression du droit de manifester évoque des échos inquiétants de ce passé autoritaire.
Autoritarisme rampant
Les actions policières de samedi reflètent une nouvelle forme de déni du droit de manifester. Alors que des lois répressives du XIXe siècle, comme le Seditious Meetings Act, exigeaient une autorisation préalable pour tout rassemblement, des restrictions similaires sont imposées aujourd’hui par le Police, Crime, Sentencing and Courts Act de 2022, qui donne des pouvoirs étendus aux autorités pour restreindre les manifestations au nom de l’ordre public.
Guerre à Gaza : Les manifestations au Royaume-Uni ont-elles eu un impact ?
L’influence croissante des groupes de pression pro-israéliens et la complicité gouvernementale renforcent les pouvoirs exécutifs au détriment de droits civiques de longue date. Cet autoritarisme insidieux sape le tissu démocratique de notre société, mettant en péril des libertés durement acquises depuis l’époque de Peterloo.
Refuser la liberté de manifester sous la menace d’arrestations sape les fondations mêmes des sociétés démocratiques, étouffant la capacité du public à exiger des comptes. Cette approche ne fera qu’aggraver les inégalités et accroître le risque d’instabilité à long terme. Protéger ce droit fondamental est essentiel pour garantir une société équitable, juste et résiliente.
Restreindre le droit de manifester sous prétexte de sécurité est une pente glissante vers l’autoritarisme. Cela étouffe la dissidence, aliène les communautés marginalisées et érode la confiance dans les institutions démocratiques. Le droit de manifester est une pierre angulaire de la démocratie, essentielle pour demander des comptes au pouvoir – mais les restrictions imposées lors des événements de samedi montrent comment ce droit est en train d’être érodé au Royaume-Uni.
Cette répression établit un précédent dangereux, non seulement pour ceux qui défendent la justice palestinienne, mais aussi pour tous ceux qui luttent contre les inégalités, le racisme, la destruction de l’environnement et d’autres injustices sociales.
En ce moment critique, nous devons nous rappeler les leçons de Peterloo. La lutte pour la justice et l’égalité exige que nous résistions à toute tentative de faire taire les voix qui appellent à la responsabilité et à la justice. La démocratie, la cohésion sociale et le progrès en dépendent.