Delfeil de Ton, 80 ans, chroniqueur à L’Obs depuis 1975, est l’un des fondateurs du journal satirique Charlie Hebdo. C’est en 1992 qu’il quitte la rédaction. « Je m’ennuyais à mourir avec Philippe Val »; expliquait-il à l’époque.
Pour son numéro spécial consacré aux événements récents de Charlie Hebdo, le directeur de la rédaction de L’Obs, Matthieu Croissandeau, a donc demandé à son collaborateur de raconter, sur deux pages, quelques souvenirs aux lecteurs.
« Je t’en veux vraiment Charb. Paix à ton âme »; déplore Delfeil de Ton, s’en prenant à son ancien collègue, le dessinateur assassiné le 7 janvier avec une partie de l’équipe journalistique.
Delfeil revient sur le numéro de “Charia Hebdo”, que Charb avait décidé de publier, avec les caricatures du prophète Muhammad (Sallalahou Aleyhi wa salam), en novembre 2011.
« Quel besoin a-t-il eu d’entraîner l’équipe dans la surenchère ? », accuse Delfeil.
Il ajoute : « Je crois que nous sommes des inconscients et des imbéciles qui avons pris un risque inutile. C’est tout. On se croit invulnérables. Pendant des années, des dizaines d’années même, on fait de la provocation et puis un jour la provocation se retourne contre nous. Il fallait pas le faire. »
Plus tard, même rengaine avec les caricatures : « Il fallait pas le faire, mais Charb l’a refait, un an plus tard, en septembre 2012 .»
La chronique a provoqué bien des remous à en croire l’avocat de Charlie Hebdo, Richard Malka, qui aurait envoyé un texto “scandalisé” à Matthieu Pigasse, l’un des actionnaires du Nouvel Observateur:
« Charb n’est pas encore enterré que L’Obs ne trouve rien de mieux à faire que de publier sur lui un papier polémique et fielleux », aurait-il expliqué pour enfin conclure: « Je refuse de me laisser envahir par de mauvaises pensées, mais ma déception est immense ».
Mathieu Croissande, le directeur du Nouvel Observateur, assume quant à lui la publication de cette chronique.
Il déclare à ce sujet au Monde: « dans un numéro sur la liberté d’expression, il m’aurait semblé gênant de censurer une voix, quand bien même elle serait discordante. »