Alors qu’il rentrait chez lui en courant, Amine, 25 ans, porteur d’un handicap mental, a été violemment interpellé par la BAC de St-Denis.
Le samedi 19 septembre, aux alentours de 21h, la nuit est tombée sur la cité Franc-Moisin. À proximité du bâtiment 10, où il habite, le jeune homme de 25 ans, déficient mental est plaqué au sol. Il hurle de douleur. Trois policiers en civil le soulèvent et le portent difficilement jusqu’à leur voiture banalisée, comme l’atteste des vidéos filmées par des témoins « Arrêtez ! », supplient des habitants aux fenêtres. « Il est handicapé ! », crient plusieurs voisins qui ont reconnu Amine.
Les policiers de la Brigade anti-criminalité (BAC) – au moins six agents sur les images – ne veulent rien entendre. « Quand il courait, il n’était pas handicapé », répond un agent, selon plusieurs témoignages. La police aurait suspecté Amine de transporter de la drogue.
« La scène nous a tous choqués », raconte Nour, voisine qui a assisté à l’interpellation. C’est un « bruit sourd », celui d’un lanceur de balles de défense (LBD), qui l’a poussé à regarder par la fenêtre. Dans l’obscurité, la situation est confuse. Elle voit quelqu’un au sol. Les policiers ne sont pas en uniformes : certains portent t-shirt et short, rapporte le Journal de Saint-Denis.
« Au début, on n’a pas pensé que c’était des flics. On a cru que c’était un affrontement entre jeunes », raconte cette mère de famille. Comme d’autres, elle comprend qu’Amine est en train d’être interpellé. Selon plusieurs témoignages concordants, confirmés par les blessures constatées sur le jeune homme, Amine est d’abord touché par au moins une balle de flash-ball aux jambes. Lors de son immobilisation, il prend ensuite un coup de Taser au niveau du cou. Le jeune déficient mental reçoit quatre ou cinq décharges, d’après plusieurs témoins, avant d’être transporté dans l’un des deux véhicules noirs banalisés des policiers. Amine présente aussi quelques blessures plus légères au niveau de la tête.
La situation est tendue. Les policiers dispersent des fumigènes dans cette partie sud-est de la cité, à proximité du collège Garcia-Lorca. « Rentrez chez vous ! », ordonnent-ils aux habitants. Alerté par le voisinage, le père d’Amine, accompagné de son fils cadet, descend de son bâtiment pour aller à la rencontre des policiers. Mais les policiers tirent au LBD dans leur direction. Le petit frère d’Amine est touché par deux balles : l’une à l’abdomen, l’autre à la jambe. « J’ai failli recevoir une balle dans l’œil », raconte le père.
« C’est parti loin, juste parce qu’ils ont fait une erreur », souffle son père. Le soir même, son fils Amine est emmené au commissariat de la Plaine où il passera la nuit. Dimanche, le père apprendra que son aîné est à l’hôpital : on lui dit d’abord qu’il se trouve à l’hôpital psychiatrique de Neuilly-sur-Marne, avant d’apprendre qu’Amine est en fait à Delafontaine d’où il sortira lundi 21 septembre dans la soirée.
« Ils ont bousillé mon fils pour rien », s’indigne-t-il. Sous médicaments, Amine reste cloîtré à la maison. Il a des problèmes au cou et à la mâchoire. « Quand il ouvre la bouche, il n’arrive pas à la fermer », décrit son père. Le soir de son interpellation, Amine était simplement parti acheter de la nourriture de l’autre côté du quartier au niveau de la Poste, raconte son père. Le jeune homme était revenu à la maison en courant, comme il en a l’habitude. « Tout le temps, il court. Il est connu pour ça », raconte Nour. Si son handicap ne se voit pas, il suffit de lui parler pour s’en rendre compte, rajoute Kadi, une mère de Franc-Moisin. « Il a un comportement d’enfant », dit-elle. « Tout le monde connait Amine. Il a grandi ici. Il n’a jamais fait de mal à personne. C’est un gentil garçon. Il rend service aux gens », souligne son père.
Les voisins sous le choc
« On tire la sonnette d’alarme, s’est exprimée Mariam Macalou, une voisine. On n’est pas en prison. On n’est pas des animaux. On veut vivre tranquillement chez nous. » Pour des habitants, cette bavure illustre une police d’intervention qui ne connait pas le terrain. « Le fond du problème, c’est qu’ils viennent régulièrement faire des interventions comme ça. C’est devenu banal. Mais ce n’est pas normal. C’est une histoire qui aurait pu mal tourner, fustige Chancel Gatsoni, 35 ans, coach sportif. Tout le monde dans le quartier est identifié comme potentiel délinquant. Demain, si je fais mon footing dans le quartier, cela pourrait m’arriver. »
« Si on avait une police de proximité, elle aurait su que le gamin était handicapé. Elle ne serait pas intervenue de cette façon », estime quant à lui le député Stéphane Peu (PCF). L’élu a assuré que dès qu’une plainte serait déposée par la famille, il saisirait la police des polices. Le père, lui, ne veut « pas de problèmes ». « Franchement, je ne veux pas porter plainte. Pour moi, l’essentiel, c’est d’avoir récupérer mon fils. Je veux juste qu’il retrouve le physique et le moral », confie-t-il.