Ces femmes éclairées s’acharnent chaque jour à lutter contre la radicalisation religieuse des jeunes Algériens et ce depuis les années 90 non sans un certain succès.
Ces femmes imams, tout comme leurs homologues masculins, effectuent le même travail, excepter la conduite de la prière qui elle est réservée exclusivement aux hommes. C’est pendant la guerre civile, en 1993 exactement, que la première “mourchidate” a été recrutée. Elles sont nommées par le Ministère des Affaires religieuses.
« Tuez est un péché capital alors comment des gens peuvent-ils tuer des innocents au nom de l’Islam ? » demande très justement Fatma Zohra l’une des 300 femmes imams combattant la radicalisation en Algérie.
Considéré aussi comme un fléau dans le pays, ces discrètes assistantes religieuses travaillent à la déradicalisation des jeunes qui ont succombé aux discours allécheurs de recruteurs. Elles s’y emploient dans les prisons, les hôpitaux, les mosquées mais aussi dans les maisons des jeunes et lors de débats dans les écoles amenant avec elles une connaissance de l’Islam où prône la tolérance.
Le traumatisme des années 90 est encore très présent dans le coeur des Algériens, une décennie qui a vu la mort d’au moins 200 000 personnes. 200 000 tuaient « au nom de l’Islam » déclare tristement Fatma Zohra, 40 ans. C’est ce qu’il l’a « motivé à mieux connaître la religion pour l’enseigner après ».
Les “mourchidates” d’aujourd’hui sont au minimum diplômées d’une licence en sciences islamiques et connaissent le Saint Coran par cœur.
Cependant leur rôle ne se cantonne pas qu’au religieux, en effet, Mme Zohra dit devoir parfois gérer des problèmes sociaux et conjugaux. Mais Mme Zohra est toujours à l’écoute et ce depuis plus de 17 ans « je les écoute, les conseille et les oriente vers des spécialistes quand cela ne relève pas du volet religieux ».
« L’imam c’est bien, mais c’est tellement plus simple de se confier à une femme »? affirme Aïcha, 60 ans. « Nous venons pour apprendre et comprendre le Coran mais aussi pour poser des questions sur des problèmes personnels »? déclare à son tour Saadia, 70 ans.
Fait nouveau depuis la montée mondiale de ce qui est appelé « extrémisme islamique », les “mourchidates” voient depuis quelques années une autre population que les femmes au foyer. En effet, des médecins, des étudiants, des ingénieurs se pressent pour avoir une meilleure compréhension de l’Islam.
C’est le cas de Meriem, professeur de mathématiques dans un lycée d’Alger, il dit avoir commencé à « fréquenter » la mosquée il y a quelques mois dans l’objectif d’apprendre le « véritable Islam » pour contrer les « faux prédicateurs » qui veulent endoctriner les jeunes.
L’objectif commun de toutes ces personnes est de freiner la radicalisation des jeunes, Samia, “mourchidate” depuis 15 ans « travaille dans une région où des mères souffrent de voir leur garçon ou leur fille se radicaliser ». « Elles se confient à moi pour qu’ensemble, et d’autres personnes, nous entamions un processus de dé-radicalisation ».
« Même si très peu d’Algériens ont rejoint l’organisation “djihadiste” de l’État islamique, la vigilance est de mise car la radicalisation prend d’autres formes. Il faut particulièrement surveiller les adolescents », ajout-elle.
« Télévisions par satellite et Internet permettent à de pseudo imams de se faire passer pour des guides religieux alors qu’ils ne connaissent pas les enseignements du Coran ».
Samia raconte qu’ un jour, une maman est venue la voir car sa fille de 17 ans s’est mise à porter le voile intégral du jour au lendemain et à leur interdire d’aller aux mariages, de regarder la télévision. Elle s’était fait endoctriner (…)
Le travail d’accompagnement a duré plusieurs mois. Finalement, elle a repris ses études et sa vie en main.
Pour les “mourchidates”, réussir à extirper la jeunesse des griffes de la radicalisation est une grande récompense comme l’a souligné Samia: « sauver la vie d’un jeune et la vie des personnes qu’il aurait pu affecter (en sombrant dans la radicalisation) est la plus grande des récompenses à notre travail », assure-t-elle.