Voilà les mots que, selon son avocate, Tahar Mejri aurait voulu lancer à ceux qu’il tenait pour responsables de l’attentat de Nice. Le papa du petit Kylan, mort le 14 juillet 2016 à 4 ans sur la Promenade des Anglais au côté de sa mère Olfa, est décédé mercredi. Après trois ans de lutte contre le deuil, ce père éploré de 42 ans a fini par baisser les armes.
Pour la prière de l’Aïd 2019 , la semaine dernière, Tahar Mejri avait revêtu un t-shirt sérigraphié d’une photo de son petit garçon et priait pour lui jour et nuit depuis 3 ans.
Au lendemain de l’attentat de Nice qui a fait 86 morts, le visage de Tahar Mejri avait incarné la douleur des proches des victimes du camion qui avait tout balayé sur son passage ce soir de fête. Le père avait d’abord cherché son fils perdu dans la cohue puis avait appris la terrible nouvelle. Depuis, il était inconsolable. Il avait également raconté comme sa femme Olfa était partie, devant lui, « au sol », lors du passage du véhicule du terroriste.
Au premier rendez-vous, j’ai vu un homme amaigri, avec les yeux rouges. Il avait froid en plein mois de juillet
, nous raconte Me Cathy Guittard, son avocate, « le cœur gros » après le décès de cet homme devenu plus qu’un client.
Les mois, les années passent et l’état de Tahar Mejri empire.
On s’est rendu compte qu’il donnait le change mais il avait en fait déclenché un mécanisme d’autodestruction
, selon Cathy Guittard, qui évoque « un roseau qui plie petit à petit » malgré un lourd traitement anti-dépresseur
Cette dernière croit savoir que « pendant très longtemps, Tahar allait dormir sur la Promenade des Anglais, à l’endroit où son fils avait été tué, avec une paire de baskets du petit garçon ». Seuls les souvenirs de Kylan apportaient un soupçon de bonheur dans sa vie.
Il a été un des premiers adhérents de notre association. Il avait besoin que des commémorations aient lieu, mais il n’avait pas toujours la force physique et mentale pour y participer
, note Anne Murris.
Ce qui le faisait peut-être tenir encore un peu, c’est la perspective d’un dénouement judiciaire proche. Mais les procédures sont longues et parfois incompréhensibles pour Tahar qui s’était constitué partie civile. « Je n’oublierai jamais son regard quand il a su que des suspects avaient été relâchés », regrette Cathy Guittard. Dernièrement, certains des suspects ont en effet été remis en liberté sous contrôle judiciaire.
« Tahar, c’est la 87e victime des attentats de Nice »
La religion n’a pas suffi non plus à soulager la douleur de ce musulman d’origine tunisienne. « Il me disait qu’il priait pour Kylan et pour Camille », se rappelle Anne Murris, qui a rencontré Tahar pour la dernière fois en février dernier : « Ses yeux étaient éteints ».
Pour l’une de ses dernières apparitions publiques, à l’occasion de l’Aïd el-Fitr, la semaine dernière, « Tahar s’est rendu à la mosquée habillé d’un t-shirt où était sérigraphiée une photo de Kylan », relate Seloua Mensi, co-présidente de l’association Promenade des Anges. Celle qui a perdu une sœur dans la tragédie de 2016 a d’ores et déjà réclamé à la mairie de Nice que la photo de Tahar rejoigne le mémorial des victimes.
Tahar, c’est la 87e victime des attentats de Nice
, conclut Me Cathy Guittard qui voudrait le faire reconnaître officiellement.
Tahar Mejri devrait être enterré en Tunisie, au côté de Kylan. Une enquête a été ouverte pour déterminer les causes exactes de son décès. Mais de l’avis de tous, pas de doute : Tahar est mort de chagrin.