Le mois de septembre a vu naitre un tournant dans le débat concernant l’islamophobie en France avec la sortie de trois ouvrages tout aussi intéressants et complémentaires :

– l’étude académique des sociologues Abdellali Hajjat et Marwan Mohammed : Islamophobie : Comment les élites françaises fabriquent le « problème musulman ».

– le dictionnaire original et engagé de Kamel Meziti, Dictionnaire de l’islamophobie.

– le livre du journaliste Claude Askolovitch, Nos mals-aimés : Ces musulmans dont la France ne veut pas.

Halalbook a eu la chance de rencontrer les auteurs du premier ouvrage, Abdellali Hajjat et Marwan Mohammed.

Halalbook : D’où vient ce projet de recherche sur l’islamophobie ?

Marwan Mohammed et Abdellali Hajjat : Nous avons tous les deux des trajectoires académiques et personnelles qui nous amènent à vivre au sein des classes populaires, notamment leur composante musulmane. Et nous avons fait le même constat : l’islamophobie est marquée par un décalage entre le quasi désintérêt du monde universitaire pour ce sujet et les inquiétudes croissantes des populations musulmanes. Du coup en 2011, nous avons mis sur pied un séminaire de recherche à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences-Sociales (EHESS) en faisant intervenir les universitaires dont les travaux traitent du rejet de l’islam ou de la construction politique ou médiatique d’un « problème musulman ». Le succès a été immédiat et se répète depuis maintenant deux années, ce qui montre qu’il y avait une réelle attente. Notre public est composé d’étudiants en master ou doctorat, mais également des collègues confirmés, des journalistes ou des militants.

Halalbook : Pourquoi parlez vous de construction de « problème musulman » ?

Marwan Mohammed et Abdellali Hajjat : Cela renvoie à un cadre théorique, celui de la construction des problèmes publics. Le point de départ étant que tous les faits sociaux, mais également tous les problèmes sociaux ne deviennent pas des problèmes publics, c’est à dire des sujets investis par des professionnels des médias, du monde politique ou militant… L’idée renvoie également aux modalités du problème. Par exemple, Selon les rapports 2007-2012 d’Europol (coordination de l’ensemble des polices européennes), le nombre d’attentats « réussis, fomentés ou manqués » varie entre un maximum de 583 pour l’année 2007 et un minimum de 174 pour 2011. Entre 2006 et 2011, la part des attentats « islamistes » est de 0,4 %, tandis que celles des attentats « séparatistes » et d’« extrême-gauche » s’élèvent respectivement à 83 % et à 10 %. Durant la même période, 95,8 % des attentats en France sont attribués aux « séparatistes ». Maintenant si vous observez la manière avec laquelle le risque terroriste est construit publiquement, le lien avec le radicalisme musulman est omniprésent. Ce que l’on s’est attelé à faire, c’est d’essayer de comprendre qui participe à cette construction du « problème musulman » et pourquoi, selon quelles logiques, etc.

Halalbook : Le mot islamophobie s’est banalisé, n’y a-t-il pas un risque d’usage excessif ?

Marwan Mohammed et Abdellali Hajjat : Tous les mots visant à désigner une forme de racisme sont susceptibles d’être instrumentalisés. Le mot islamophobie n’échappe pas à la règle, notamment dans le contexte européen, où la critique des dogmes religieux ainsi que le droit de caricature sont solidement ancrés dans les esprits et dans la loi. Ceci diffère des discours et des attitudes de rejet, de discrimination, de violences, etc., qui reposent sur des formes de d’essentialisation et qui établissent un climat de suspicion généralisée à l’égard des musulmans réels ou présumés. Or la distinction et la frontière entre rejet, hostilité, racisme et critique n’est pas toujours facile à établir. Certains peuvent masquer leur haine derrière une pseudo-critique alors qu’en face, d’autres sont susceptibles de voire de l’islamophobie partout, dès qu’une réserve se manifeste.

Halalbook conseille fortement la lecture de cet ouvrage que vous trouverez à prix mini en cliquant ici.

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