La censure sur les réseaux sociaux est un phénomène mondial, mais la répression des opinions pro-palestiniennes représente une forme différente de censure, aux conséquences graves et alarmantes.
Bien avant la guerre dévastatrice actuelle à Gaza et l’intensification de la violence et de la répression israéliennes en Cisjordanie occupée, les voix palestiniennes et pro-palestiniennes étaient déjà réduites au silence. Certains situent cette censure à un accord de 2016 qui, selon le gouvernement israélien, visait à « contraindre les réseaux sociaux à retirer les contenus qu’Israël considère comme incitatifs ». Cela s’est traduit, presque immédiatement, par la suppression de milliers de comptes et l’exclusion de nombreux influenceurs, dans le but de freiner la montée en puissance des tendances pro-palestiniennes sur les plateformes liées à Meta.
La guerre à Gaza a encore intensifié cette censure. Dans un rapport soumis au Rapporteur spécial des Nations unies sur la liberté d’opinion et d’expression, Human Rights Watch (HRW) a souligné que les restrictions documentées sur la liberté d’expression « portent atteinte aux droits fondamentaux à la liberté d’expression et de réunion ». La censure s’est sophistiquée, avec une implication directe d’Israël, notamment par la suppression de mots spécifiques jugés offensants ou antisémites, ce qui a conduit à la suppression de nombreux contenus.
Mais Meta n’est pas la seule plateforme concernée. Le 17 novembre 2023, la plateforme X (anciennement Twitter) a annoncé que les utilisateurs qui emploieraient des termes comme « décolonisation » ou « de la rivière à la mer » seraient suspendus. Un an plus tard, Twitch a également modifié sa politique sur les contenus haineux en incluant le terme « sioniste » comme insulte potentielle.
Ces décisions, parmi d’autres, ne se contentent pas de restreindre la liberté d’expression et de presse, elles brouillent aussi les discussions rationnelles en les confondant avec des sentiments antisémites. Par exemple, le terme « génocide » est un concept juridique reconnu internationalement, employé pour qualifier les actes systématiques de destruction d’un groupe en raison de son ethnie, de sa nationalité, de sa religion ou de sa race.
Sous la pression internationale, notamment après un plaidoyer solide de l’Afrique du Sud devant la Cour internationale de justice, cette dernière a accepté d’enquêter sur les actes de génocide perpétrés par Israël à Gaza, en violation de la Convention de 1948 sur le génocide. Ce sujet dépasse donc la compétence des réseaux sociaux ou de figures comme Mark Zuckerberg, qui consultent directement ceux qui orchestrent les massacres à Gaza.
Cette censure a des conséquences directes pour les Palestiniens. Selon un rapport de novembre 2024 du Centre Sada Social pour les droits numériques, 57 % des violations numériques ciblant le contenu palestinien sont attribuées aux plateformes de Meta, suivies par TikTok (23 %), YouTube (13 %) et X (7 %). Cela inclut également la suppression de comptes WhatsApp, une autre plateforme contrôlée par Meta. À Gaza, ces outils sont essentiels pour communiquer, savoir qui est encore en vie et documenter les massacres, particulièrement dans les zones isolées comme le nord de la bande de Gaza.
Dans cette région, le Centre Sada Social a évoqué un « black-out numérique » aggravant des horreurs déjà présentes : famine, tueries de masse, destruction des hôpitaux, etc. La censure, dans ce contexte, peut littéralement décider de la survie des individus sous les décombres ou de leur accès à une aide.
Un rapport de HRW publié en décembre 2023 a recensé des pratiques récurrentes de censure : suppression de contenus, suspension de comptes pro-palestiniens, réduction de la visibilité (« shadow-banning »), restrictions sur l’engagement et interprétation abusive des politiques sur les discours haineux ou les contenus graphiques.
Cette censure constitue une menace pour les libertés fondamentales garanties dans toute société démocratique. Pour Gaza, elle prend un tour macabre, augmentant les risques de mort et de souffrance. De plus, de telles pratiques créent des précédents, ouvrant la voie à d’autres formes de censure ciblant des communautés vulnérables à travers le monde.
Tant que la communauté internationale n’aura pas traduit ses déclarations de solidarité envers les Palestiniens en actions concrètes, le minimum serait de leur garantir le droit d’exprimer leurs opinions, de partager leurs souffrances et de sensibiliser à leur tragédie collective. Le monde leur doit cela, et aucune entreprise de médias sociaux ne devrait empêcher une telle demande légitime.