Le Maroc est confronté à une fuite des cerveaux dans de nombreux secteurs. Les entreprises marocaines dénoncent les effets pervers de certains visas qui simplifient les procédures pour le recrutement à l’étranger des cadres.
« Plus de 600 ingénieurs quittent le pays annuellement dans le cadre du fléau qu’on appelle aujourd’hui fuite des cerveaux », avait déclaré devant la Chambre des Représentants Saïd Amzazi, Ministre de l’Éducation Nationale, de la Formation Professionnelle, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique.
Les employeurs marocains dénoncent le débauchage massif mené par les firmes étrangères. Atos, entreprise française de services numériques, en a par exemple fait les frais : sa campagne de recrutement lancée début 2019 au Maroc a créé une vive polémique.
« La fuite des cerveaux n’est pas un phénomène nouveau. Il est simplement mis à nu par l’évolution et les besoins du secteur des hautes technologies alors qu’il concerne tous les secteurs. Plus de 7 000 médecins marocains exercent en France et 38 000 jeunes Marocains y font leurs études. Combien réintègrent l’économie marocaine à la fin de leurs cursus ? » s’interroge Saloua Karkri Belkeziz, Présidente de l’APEBI.
Depuis le début de l’année, le cabinet organise chaque samedi une campagne de recrutement à l’attention des ingénieurs en informatique marocains, dans l’un des grands hôtels de Casablanca.
«Environ 200 informaticiens sont ainsi embauchés toutes les deux semaines par des cabinets de recrutement au profit d’entreprises essentiellement françaises et canadiennes depuis bientôt deux ans», s’alarme Saloua Karkri Belkeziz.
Quelles motivations pour les candidats au départ ?
Omar, gestionnaire de projets informatiques, aujourd’hui installé dans la province canadienne du Nouveau Brunswick, résume ce sentiment général chez ces ingénieurs et développeurs IT :
« Ce départ n’est pas motivé par une question d’argent. C’était plutôt un manque de reconnaissance et de valorisation. J’ai une expérience de plus de 10 ans dans le domaine, je maitrise parfaitement mon sujet, mais face à culture du «bak sahbi» [copinage] et de la préférence donnée aux diplômés des écoles françaises, il devient difficile, voire impossible d’aller plus loin. J’avais un profond sentiment de tourner en rond. Le ras-le-bol a pris le dessus. La décision de quitter le pays s’imposait d’elle-même».
Selon Saloua Karkri-Belkeziz, d’autres facteurs rentrent en jeu :
«Nous manquons de projets innovants et créatifs à même de retenir ces jeunes talents», déplore-t-elle. «Les entreprises doivent également moderniser leur gestion des ressources humaines», ajoute-t-elle.
Par ailleurs, la formation est cruciale : «Contrairement au Maroc, les compagnies étrangères offrent régulièrement des formations. Un avantage de taille poussant nos cadres à s’expatrier», souligne le Directeur Général de GEODIS.