Cette étudiante de 23 ans, se souviendra longtemps de sa garde à vue.
Placée en détention après une soirée alcoolisée, elle est ressortie du commissariat couverte d’ecchymoses, avec cinq jours d’incapacité totale de travail (ITT) et un débit de 550 euros sur son compte en banque.
Humiliations, blessures et escroquerie : cette étudiante dénonce des abus lors de sa garde à vue à Mediapart, dans un article paru le lundi 23 décembre.
Durant la nuit du 30 avril, Mathilde, nous l’appellerons ainsi pour garder son incognito, passe la soirée dans un club de l’Est parisien avec une amie.
Les choses allant, elles boivent plus que de mesure, Mathilde se sent mal, fait une crise d’angoisse. Les pompiers sont appelés.
Conduite à l’hôpital Lariboisière, elle refuse d’être examinée, elle est ainsi emmenée au commissariat de la rue de l’Evangile, dans le 18e arrondissement de Paris.
Les policiers lui apprennent sur place, qu’elle est accusée de violences sur un policier et sur deux pompiers. Des faits dont elle ne se souvient pas mais qu’elle ne réfute pas, consciente de l’état d’ébriété dans lequel elle se trouvait.
Elle se rappelle malgré tout que lorsqu’elle se débattait pendant que des femmes policières lui enlevaient collants et soutien-gorge pour sa garde à vue, que celles-ci avaient finalement demandé à des hommes de s’en charger.
L’humiliation avec un grand H.
Je me suis retrouvée avec la robe sur la tête, poitrine nue, se souvient-elle. Et ils m’ont trimballée dans les couloirs en rigolant. Ils disaient : “Regardez, c’est la nouvelle Femen.
Elle est ensuite transférée, pieds nus, dans un commissariat du 10e arrondissement pour être placée en cellule de dégrisement.
Transfert dont il ne reste aucune trace, ce qui est absolument contraire aux règles de procédure, son avocat dénonce d’ailleurs la « grande opacité» de la situation.
En cellule de dégrisement, son amie, qui est aussi incarcérée, remarque alors que son visage est tuméfié.
Le lendemain, Mathilde est ramenée dans le commissariat du 18e arrondissement pour continuer sa garde à vue. Là-bas, les policiers lui auraient déconseillé de faire appel à un avocat car elle «resterait plus longtemps si [elle] en demandait un».
En quittant le commissariat le lendemain, elle constate des traces d’hématomes sur ses yeux, ses paupières sont violacées. Elle a quand même la lucidité de prendre en photo ses différentes blessures.
Un malheur ne venant jamais seul, Mathilde découvre à sa sortie lorsqu’elle récupère ses effets personnels que de l’argent a été débité de son compte en banque.
Au total 554,99 euros manquent sur son compte, les retraits ont été faits alors qu’elle était en détention, et que son téléphone et sa carte bleue étaient enregistrés au dépôt du commissariat.
Sa banque lui a envoyé un code d’authentification «pour un paiement de 500 euros sur Betclic Enterprises», le 1er mai à 10h36.
J’étais choquée. Je n’en revenais pas. Comment ont-ils osé ? Quel sentiment de totale impunité peuvent-ils ressentir pour faire ça ?
Début novembre 2019, l’étudiante passe devant le tribunal correctionnel de Paris pour les violences commises sur les policiers et les pompiers.
La juge prenant connaissance de tous les éléments du dossier, photos des blessures, les cinq jours d’ITT qui lui ont été prescrits et surtout de l’utilisation de sa carte bleue pendant sa détention, demande le report immédiat de l’audience au mois de juin prochain.
Une enquête a été ouverte par le parquet pour «violence par personne dépositaire de l’autorité publique, vol et escroquerie» et a été confiée au Service de Déontologie et de Soutien aux Effectifs (SDSE).