Alors que Gaza subit une nouvelle vague de bombardements israéliens et que la dernière trêve vole en éclats, l’urgence d’une action mondiale se fait plus pressante. Les civils sont une fois de plus pris entre deux feux, les infrastructures sont réduites en ruines et le bilan des morts ne cesse d’augmenter. Malgré les nombreuses expressions d’inquiétude à travers le monde, la souffrance perdure. À ce moment précis, l’Indonésie doit reconnaître une vérité difficile : l’aide humanitaire, aussi généreuse soit-elle, ne peut se substituer à une volonté politique de mettre fin à cette tragédie.
Ces derniers mois, l’Indonésie a apporté un soutien humanitaire constant à Gaza. Ces efforts traduisent un engagement sincère envers le peuple palestinien. Mais ils soulignent aussi une réalité difficile : alors que l’Indonésie participe à la reconstruction, la violence persistante sur le terrain risque de réduire à néant ces avancées. Sans s’attaquer aux causes profondes du conflit, l’aide seule ne peut pas provoquer de changement durable.
En janvier, par exemple, l’Agence nationale des aumônes (Baznas), en partenariat avec des organisations égyptiennes, a envoyé 41 camions transportant 45 000 boîtes de nourriture à Gaza. Ce même mois, l’Institut Qudwah — une organisation philanthropique basée en Indonésie — a organisé le Forum international de collaboration Indonésie–Palestine pour coordonner des initiatives à long terme, notamment la reconstruction de l’hôpital Abu Yusuf Annajar à Khan Younès.
L’Indonésie a également promis plus de 120 milliards de roupies (environ 7,1 millions de dollars) d’aide et a annoncé des plans pour développer un « Village indonésien » à Gaza, comprenant des écoles, des hôpitaux, des mosquées et des logements.
D’autres organisations ont également apporté leur contribution. En février, BSI Maslahat a distribué la septième phase de son aide, construit une mosquée d’urgence et participé à la rénovation d’un hôpital, pour un total de 18 milliards de roupies (1,1 million de dollars) de soutien. Parallèlement, le Croissant-Rouge indonésien (BSMI) a envoyé une équipe médicale, dont deux spécialistes, pour travailler à Gaza pendant au moins deux semaines.
Ces efforts soulignent l’engagement constant de l’Indonésie en faveur de la cause palestinienne.
En mars, lors d’une rencontre à Jakarta avec Mahmoud Al-Habbash, envoyé spécial du président palestinien, le ministre des Affaires étrangères Sugiono a réaffirmé la volonté de l’Indonésie de fournir une aide supplémentaire à Gaza. Sa déclaration a apporté un poids diplomatique à un effort national d’envergure, réunissant les institutions gouvernementales, les organisations religieuses et la société civile dans une démonstration constante de solidarité.
Cependant, la leçon que nous enseigne Gaza est claire : une aide sans responsabilité ne mène nulle part. Chaque nouvel hôpital construit peut être réduit en ruines en quelques minutes. Chaque camion de nourriture risque d’être acheminé en pleine zone de guerre. L’Indonésie doit désormais affronter une tâche aussi inconfortable qu’essentielle : passer de l’aide à la résolution, de la compassion à la confrontation.
Cela commence par une diplomatie qui n’hésite pas à nommer la source de la violence. L’Indonésie devrait prendre la tête d’une coalition de pays du Sud global pour exiger la responsabilité légale des crimes de guerre israéliens. Cela inclut le soutien aux enquêtes de la Cour pénale internationale et la défense d’investigations indépendantes sur le ciblage des civils et des infrastructures civiles. Les cessez-le-feu, bien que nécessaires, doivent être accompagnés de mécanismes garantissant leur respect et de sanctions en cas de violations.
L’Indonésie doit également aller au-delà du simple soutien rhétorique à l’État palestinien.
Elle peut tirer parti de son influence régionale et mondiale — au sein de l’ASEAN, de l’Organisation de la coopération islamique et du Mouvement des non-alignés — pour faire pression sur les pays encore indécis afin qu’ils reconnaissent officiellement la Palestine. L’engagement avec les États puissants qui permettent l’impunité d’Israël devrait être conditionné au respect et à l’application du droit international.
Jakarta devrait également se préparer à un scénario où une mission de maintien de la paix deviendrait nécessaire. Si les Nations unies ou un bloc régional autorisent une mission de protection des civils à Gaza, l’Indonésie — qui possède une vaste expérience en matière de maintien de la paix — devrait être parmi les premières à engager du personnel. Son bilan au Liban, en République démocratique du Congo et ailleurs la positionne comme un acteur crédible et neutre dans la région.
Cependant, aucune diplomatie ni mission de maintien de la paix n’aura de poids si l’Indonésie ne commence pas par faire le ménage chez elle. Il doit y avoir un engagement public et ferme à mettre fin à toute relation secrète ou informelle avec Israël. Les relations en coulisses — qu’elles soient économiques, diplomatiques ou basées sur le renseignement — sapent la légitimité de la politique étrangère de l’Indonésie. On ne peut pas dénoncer l’apartheid tout en poursuivant discrètement une normalisation. La cohérence n’est pas un luxe, c’est une nécessité.
L’engagement historique de l’Indonésie en faveur de la libération de la Palestine puise ses racines dans son propre passé anticolonial.
Cet héritage confère à Jakarta une autorité morale sur la scène internationale. Mais la crédibilité de cette autorité dépend de l’action. La passion doit être associée à la pression. La solidarité doit être stratégique.
Le président Prabowo et le ministre des Affaires étrangères Sugiono sont désormais face à un choix décisif. Ils peuvent continuer le travail important de l’aide humanitaire, ou bien ils peuvent élever le rôle de l’Indonésie, en passant de celui de répondeur compatissant à celui de leader puissant dans la campagne mondiale pour la justice palestinienne.
La Palestine n’a pas seulement besoin de plus de refuges temporaires. Elle a aussi besoin de protection, de souveraineté et de dignité. L’Indonésie peut — et doit — aider à offrir ces trois éléments.
Le monde n’a pas besoin d’un autre convoi. Il a besoin d’une voix suffisamment audacieuse pour arrêter les bombes. L’Indonésie possède cette voix. Elle doit choisir de l’utiliser.