Francesca Albanese : « Le droit international est en péril » face à l’inaction sur Gaza

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Dans une interview approfondie avec Middle East Eye, Francesca Albanese a accusé le ministre britannique des Affaires étrangères d’être un « négationniste du génocide »

L’avocate italienne des droits humains Francesca Albanese accuse des politiciens britanniques de nier le génocide et exhorte l’UE à rompre ses liens commerciaux avec Israël.

La rapporteuse spéciale des Nations unies, Francesca Albanese, a intensifié ses critiques envers Israël et les dirigeants mondiaux pour leur incapacité à stopper « l’effacement colonial » des Palestiniens à Gaza. Elle appelle également à émettre davantage de mandats d’arrêt contre les dirigeants israéliens pour des crimes de guerre présumés.

Dans une interview approfondie avec Middle East Eye, Francesca Albanese a accusé le ministre britannique des Affaires étrangères d’être un « négationniste du génocide », a demandé à l’Europe de suspendre ses échanges commerciaux avec Israël et a dénoncé le retard de la Cour pénale internationale (CPI) à émettre des mandats d’arrêt pour les atrocités commises à Gaza.

Francesca Albanese a déclaré que le procureur de la CPI, basé à La Haye, était déjà en retard pour demander ces mandats en mai de cette année.

« La Cour pénale internationale aurait dû agir bien plus tôt », a-t-elle affirmé, faisant référence à l’enquête sur les allégations de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité en Israël et en Palestine, ouverte par la CPI en 2021, dans une affaire qui remonte à plus de dix ans.

En mai dernier, le procureur de la CPI, Karim Khan, avait demandé des mandats d’arrêt contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et le ministre de la Défense de l’époque, Yoav Gallant. Il avait également requis des mandats contre trois dirigeants du Hamas, Yahya Sinwar, Ismail Haniyeh et Mohamed Deif, tous tués par Israël au cours de l’année écoulée.

« Ces personnes auraient dû comparaître devant la Cour pénale internationale… C’est cela, la justice. Au lieu de cela, elles ont été tuées », a-t-elle déploré, ajoutant que la CPI devrait émettre davantage de mandats d’arrêt.

« À mon avis, il devrait y avoir plus de personnes sur le banc des accusés. Mais cela prend une éternité. Cela s’explique par l’énorme pression politique exercée sur le système de justice internationale.»

« On voit des pressions sur le procureur, sur les juges. Israël tente d’entraver le processus en contestant l’indépendance des juges. Les États-Unis exercent également des pressions par des menaces ouvertes », a-t-elle ajouté.

Persona non grata

Selon Francesca Albanese, l’absence de mandats d’arrêt menace la justice internationale.

« Nous risquons de perdre ce que nous avons construit. Le multilatéralisme est en danger, et le droit international est sur le fil du rasoir.»

« Cela concerne chacun de nous : étudiants, médecins, professeurs, journalistes, citoyens ordinaires. C’est à nous de le protéger si nos responsables gouvernementaux élus ne le font pas. »

Middle East Eye a accueilli Francesca Albanese le 13 novembre lors de sa visite à Londres, où elle s’est exprimée devant des étudiants et du personnel dans quatre universités, notamment à la School of Oriental and African Studies (SOAS), son ancienne université.

Avocate italienne spécialisée dans les droits humains, Francesca Albanese est rapporteuse spéciale des Nations unies sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967. Nommée par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU en mars 2022, elle est la huitième personne à occuper ce mandat depuis sa création en 1993 et la première femme à le faire.

En tant qu’experte indépendante, elle est la principale enquêtrice chargée de suivre et de rendre compte au conseil de la situation des droits humains en Palestine occupée. Cependant, Israël la considère comme persona non grata depuis le début de son mandat.

Elle se décrit elle-même comme une « chroniqueuse réticente du génocide ». Au cours de l’année écoulée, elle a soumis deux rapports au Conseil des droits de l’homme de l’ONU, dans lesquels elle présente son analyse juridique suggérant que les attaques contre la population palestinienne pourraient constituer un génocide.

Au cours des 12 derniers mois, Francesca Albanese est devenue une figure emblématique sur la scène internationale. Elle utilise son mandat pour interpeller publiquement les États à l’ONU sur leur responsabilité de mettre fin à l’offensive israélienne continue sur Gaza, qui a tué des dizaines de milliers de Palestiniens, déplacé la majorité des 2,3 millions d’habitants et rendu l’enclave largement inhabitable.

« Les Sud-Africains noirs ont connu les pires brutalités de l’apartheid juste un ou deux ans avant son effondrement. »

– Francesca Albanese

Les États occidentaux qu’elle accuse de complicité dans un génocide ont mené une campagne acharnée contre elle, des responsables américains demandant son renvoi et d’autres l’accusant d’antisémitisme, accusation qu’elle qualifie de tentative de diffamation et de censure.

Dans ses rapports et interventions publiques, Francesca Albanese a plaidé pour l’exclusion d’Israël des Nations unies.

Selon elle, Israël devrait être isolé sur la scène internationale de la même manière que l’Afrique du Sud l’a été pendant l’ère de l’apartheid. Cela inclut la suspension d’Israël de l’Assemblée générale de l’ONU, comme ce fut le cas pour l’Afrique du Sud en 1974.

Malgré l’intensification notable des violences à Gaza, elle souligne qu’elle entrevoit la fin de la situation actuelle.

« Nous ne devons pas oublier que les Sud-Africains noirs ont vécu les pires atrocités de l’apartheid juste avant son effondrement. Ainsi, la brutalité que nous observons aujourd’hui pourrait aussi indiquer que nous sommes proches d’un dénouement. »

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