Emmanuel Macron a mis en garde ce mardi 23 mars contre les «tentatives d’ingérence» de la Turquie lors de la prochaine élection présidentielle française de 2022, sans fermer la porte à une amélioration des relations avec Ankara, épouvantables depuis plus d’un an. « De toute évidence. Il y aura des tentatives pour interférer avec les prochaines élections. C’est écrit, et les menaces ne sont pas voilées », a déclaré le chef de l’Etat, interrogé dans le cadre d’un documentaire de l’émission, C dans les airs, de la chaîne de télévision France 5 sur le président turc Recep Tayyip Erdogan.
Des accusations qu’Ankara a qualifiées d ‘«irrecevables» au lendemain de ce discours. «Nous constatons que ces déclarations contraires à l’esprit d’amitié et d’alliance sont irrecevables», a réagi le ministère turc des Affaires étrangères dans un communiqué. «La Turquie n’a pas d’autre souci, en ce qui concerne la politique intérieure de la France, que la prospérité et le bonheur des près de 800 000 Turcs qui vivent dans ce pays», a-t-il ajouté.
Pas la première charge d’interférence
Evoquant la controverse brûlante sur la question religieuse, déclenchée après son discours à l’automne sur le «séparatisme islamiste», le locataire de l’Élysée avait fustigé «une politique de mensonges d’État relayée par les organes de presse contrôlés par l’État turc», ainsi comme «par certaines grandes chaînes contrôlées par le Qatar». Recep Tayyip Erdogan a déjà été accusé d’ingérence électorale, notamment en Allemagne, lorsqu’il a demandé aux électeurs germano-turcs de voter contre le parti d’Angela Merkel en 2017.
«Il faut être très lucide», a poursuivi Emmanuel Macron, dont les relations avec son homologue turc étaient extrêmement tendues avant le début du dégel il y a quelques mois. «J’ai noté depuis le début de l’année la volonté d’Erdogan de renouer avec la relation. Je veux croire que c’est possible », a déclaré le président français, se défendant de toute « animosité envers la Turquie ». «Mais je ne pense pas que nous puissions renouer [une relation] quand il y a des ambiguïtés. Je ne veux pas renouer avec une relation pacifique s’il y a, derrière, de telles manœuvres qui se poursuivent », a-t-il déclaré.
« Nous avons besoin d’un dialogue avec la Turquie »
Les relations bilatérales se sont détériorées avec l’offensive turque d’octobre 2019 contre les forces kurdes en Syrie, alliées de l’Occident. L’interventionnisme turc en Libye, en Méditerranée orientale (où un incident entre les bâtiments turcs et français en juin 2020) et la politique française contre l’extrémisme islamique ont ensuite approfondi les antagonismes entre Paris et Ankara. «La France a été très claire. Quand il y a eu des actes unilatéraux en Méditerranée orientale, nous les avons condamnés et nous avons agi en envoyant des frégates », a souligné Emmanuel Macron, déplorant que l’OTAN ne soit « pas suffisamment claire » avec Ankara. «Nous devons clarifier la place de la Turquie au sein de l’OTAN», a-t-il déclaré.
Cependant, « nous avons besoin d’un dialogue avec la Turquie, nous devons tout faire pour qu’elle ne tourne pas le dos à l’Europe et n’aille pas vers plus d’extrémisme religieux ou de choix géopolitiques négatifs pour nous », a-t-il déclaré. il a continué. «C’est un partenaire sur les questions de sécurité, sur les questions de migration», a rappelé le président français. L’UE et la Turquie ont conclu un accord sur la migration en 2016, donnant à Ankara la gestion de l’immigration clandestine. Soulignant que la Turquie a accueilli sur son sol plus de trois millions de réfugiés syriens, Emmanuel Macron a estimé avoir «pris ses responsabilités». «Sur la question de la migration, nous devons travailler avec la Turquie. S’ils [les Turcs] ouvrent les portes, vous avez trois millions de réfugiés syriens qui arrivent en Europe », a-t-il prévenu.