En 2002, l’accession au pouvoir d’une nouvelle élite politique représentée par l’AKP change la politique par rapport à l’espace Méditerranéen, il devient un espace utile et fonctionnel à investir.
Dans l’esprit des stratèges de l’AKP, la Méditerranée a en effet une fonction instrumentale : elle doit servir de tremplin à l’accession de la Turquie au rang de puissance régionale puis à terme mondiale.
Cette revalorisation par les Turcs de l’espace méditerranéen sous l’AKP provoque un retour turc en Méditerranée, la Turquie s’y engageant suivant des calculs d’intérêts complexes.
Or, les révolutions arabes qui ont secoué la Méditerranée orientale ont porté un coup d’arrêt à l’émergence régionale d’Ankara, pouvant donner à penser à un recul de la Turquie.
En somme, le nouvel engagement turc en Méditerranée orientale est un engagement tactique, bien calculé, utilisant des moyens spécifiques, et destiné à maximiser les intérêts de la Turquie et à servir ses ambitions régionales et internationales.
Cet engagement a été facilité par un nouvel équilibre politique et des changements sur le plan intérieur turc dont : le déclin du pouvoir de l’armée dans la vie politique, la montée en puissance d’une nouvelle élite socio-économique, ces nouveaux hommes d’affaires conservateurs sur le plan religieux et souhaitant développer leur business avec les voisins musulmans et enfin l’émergence d’acteurs nouveaux comme les ONG humanitaires islamistes (Sadakatasi et IHH) et les think tanks conservateurs.
Pour preuve, un journaliste israélien, Tzur Shezaf, demande carrément une «ingérence de la marine israélienne» en ce qui concerne le conflit actuel sur les gisements de gaz méditerranéens.
Cette problématique déclenche de véritables luttes de pouvoir entre Israël, l’Égypte, la Turquie, la Russie et la Libye.
Dans un article sur Ynet News, il déclare,
En 2015, un certain nombre d’officiers supérieurs israéliens du renseignement militaire m’ont demandé des informations sur les activités de Daech en Syrie et en Irak. … Je leur ai dit [aux officiers israéliens] à l’époque que Daech était une menace futile et ne représentait pas une menace majeure pour Israël.
Il a ensuite averti les responsables israéliens de ce qu’il a décrit comme une «menace réelle pour Israël et ses intérêts», pointant du doigt la Turquie.
La Turquie est devenue l’armée la plus puissante des pays de l’OTAN et la deuxième du continent européen après l’armée russe.
L’influence turque est devenue importante en Libye depuis des années, en particulier au cours des derniers mois.
Il continue,
Le conflit libyen en cours concerne non seulement les ressources en gaz et en pétrole, mais aussi le contrôle des eaux régionales, car la Libye est située en face de la Turquie, et les Turcs pensent que les gazoducs israélo-égypto-grec-chypriote pénètrent dans leurs eaux territoriales.
Et pour finir en beauté,
Avec tous les conflits régionaux qui se déroulent au Moyen-Orient, Israël doit renforcer son arme navale, avec pour mission principale de protéger ses eaux territoriales, en utilisant son alliance avec l’Égypte, la Grèce et Chypre.
Le 27 novembre, Ankara et le gouvernement national Libyen (GNA) reconnu par les Nations Unies, ont signé deux pactes distincts: l’un sur la coopération militaire et l’autre sur les frontières maritimes des pays de la Méditerranée orientale.
La Grèce et Chypre, qui ont depuis longtemps des différends maritimes et territoriaux avec la Turquie, disent que l’accord est nul et viole les lois maritimes.