La France ouvre un dossier de torture contre le président des Émirats arabes unis d'Interpol

Les autorités françaises ont ouvert un dossier contre le président émirati d’Interpol pour des accusations de torture et de détention arbitraire de deux Britanniques détenus aux Émirats arabes unis, a indiqué mercredi à l’AFP une source proche de l’enquête.

L’affaire de complicité présumée de torture d’Ahmed Nasser al-Raisi a été confirmée par le parquet antiterroriste (PNAT), qui l’a transmise à un juge d’instruction qui va maintenant décider s’il y a lieu de porter plainte.

Les deux Britanniques, Matthew Hedges et Ali Issa Ahmad, accusent Raisi d’avoir la responsabilité ultime – en tant que haut responsable de la sécurité du ministère de l’Intérieur – de la torture et de la détention arbitraire qu’ils disent avoir subies aux Émirats arabes unis.

La source a déclaré que le juge d’instruction doit si Raisi, qui a également été élu président d’Interpol en novembre, bénéficie de l’immunité diplomatique contre les poursuites, décider en France.

Les Britanniques ont porté plainte en vertu du principe de compétence universelle de la France, qui lui permet de poursuivre des crimes graves même s’ils sont commis sur un sol étranger.

Cela signifie que Raisi pourrait être détenu pour interrogatoire s’il se rend dans le pays. Le siège d’Interpol se trouve à Lyon, dans le sud-est de la France, qu’il aurait visité plusieurs fois cette année.

L’affaire contre Raisi, ouverte fin mars, va plus loin que l’enquête sur la torture ouverte contre lui par les procureurs français en novembre au sujet de la détention du dissident émirati Ahmed Mansoor.

À l’époque, le ministère des Affaires étrangères des Émirats arabes unis avait rejeté les plaintes concernant les conditions de détention de Mansoor comme « sans fondement ».

« Toute plainte légale qui pourrait être déposée contre al-Raisi est sans fondement et sera rejetée », a ajouté le ministère des Affaires étrangères des Émirats arabes unis.

Dans le dernier cas, l’enquête est entre les mains d’un juge d’instruction, une étape qui précède toute mise en accusation.

Contactée par l’AFP, l’ambassade des Émirats arabes unis à Paris s’est refusée à tout commentaire.

Le secrétariat général d’Interpol a déclaré qu’il était « prématuré » de commenter car il s’agissait d’une affaire en cours entre les parties concernées.

‘Torture psychologique’ 

Les deux plaignants étaient mercredi à Paris pour témoigner devant le juge d’instruction.

Hedges, un universitaire spécialisé dans les Émirats arabes unis, dit avoir été détenu et torturé dans le pays de mai à novembre 2018 après avoir été arrêté pour espionnage lors d’un voyage d’études.

Il a été contraint de faire de faux aveux qui ont conduit à une peine d’emprisonnement à perpétuité avant sa libération sous la pression internationale menée par le Royaume-Uni.

Il a déclaré mercredi à l’AFP qu’il avait passé sept mois à l’isolement et contraint de prendre des médicaments. Cela, a-t-il dit, faisait partie d’une « stratégie très spécifique pour infliger des tortures psychologiques ».

Les interrogatoires ont duré jusqu’à 15 heures d’affilée et il y a eu des menaces de violence contre lui et sa famille, a déclaré Hedges, qualifiant son calvaire de « terrifiant ».

Il a commencé à s’automutiler et a tenté de se suicider, « tout cela à cause des médicaments ».

Hedges a déclaré que Raisi « devait être au courant » de son traitement.

Ahmad, quant à lui, a déclaré avoir été battu à plusieurs reprises et même poignardé pendant un mois de détention en janvier 2019, prétendument pour avoir soutenu avec enthousiasme le rival des Émirats arabes unis dans le Golfe, le Qatar, lors d’un affrontement de football contre l’Irak lors de la Coupe d’Asie de l’AFC de cette année-là.

Lors de son arrestation, un policier a coupé le drapeau qatari de son T-shirt avec un couteau de poche, blessant Ahmad au passage, a-t-il raconté à l’AFP.

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