Les scènes chaotiques de l’ancien Premier ministre soudanais Abdullah Hamdok visitant un groupe de réflexion à Londres semblent avoir transformé une mission de paix en une tentative de détourner la souveraineté du Soudan. À l’extérieur de Chatham House, la foule en colère a crié « lâches et traîtres », voyant la présence de Abdullah Hamdok et de son groupe comme une tentative de subvertir la volonté populaire soudanaise.
En jeu se trouvait un accord secret présumé, alimenté par des rumeurs médiatiques et des interviews sur les réseaux sociaux, suggérant que l’ancien Premier ministre avait conclu un accord secret entre son groupe et la milice des Forces de soutien rapide (RSF). L’accord impliquait que le groupe politique de Abdullah Hamdok, Taqaddam, agissait en tant que bras politique de la milice RSF, laquelle aspirerait à remplacer l’armée soudanaise, accusation que le groupe a catégoriquement niée.
Néanmoins, la foule accusait aussi Taqaddam d’essayer de convaincre les décideurs politiques britanniques de mobiliser la communauté internationale et les groupes régionaux pour envoyer des troupes afin d’intervenir dans le conflit soudanais avant la présidence britannique au Conseil de sécurité de l’ONU. Lors de son discours à Chatham House, Abdullah Hamdok a déclaré : « Nous devons envisager d’imposer une zone d’exclusion aérienne, de créer une zone de sécurité, voire d’envisager le déploiement de troupes pour protéger les civils. » Il a souligné l’impact dévastateur du conflit, qui a causé plus de 159 000 morts et déplacé plus de 12 millions de personnes. Il a averti que « le pays fait face à une catastrophe humanitaire et que l’effondrement de l’État pourrait entraîner davantage d’instabilité et de violence ».
Plus tard, un membre de Taqaddam, Khalid Omer, a affirmé que le chef du Conseil de souveraineté, Abdel Fattah Al-Burhan, ne représentait pas un gouvernement légitime, qualifiant le conflit entre Abdel Fattah Al-Burhan et Mohammed Hamdan Dagalo, chef de la RSF, de « querelle entre deux généraux ». Il a également comparé la Force intérimaire de sécurité des Nations unies (UNISFA) à Abyei, établie le 20 juin 2011, à la possibilité pour le Soudan d’accepter une autre force de maintien de la paix pour protéger les civils.
Les commentateurs ont rappelé que la présence de l’UNISFA résulte d’un accord signé entre deux gouvernements de facto (Soudan et Soudan du Sud) et non entre un gouvernement et une milice. Les partisans du gouvernement affirment que l’armée reprend le contrôle militaire sur la RSF, déployant des renforts dans la capitale Khartoum et dans l’État d’Al Jazira pour lutter contre la milice accusée de nettoyage ethnique, de crimes sexuels et de massacres de civils innocents.
Le gouvernement craint notamment que des parties du Soudan passent sous contrôle étranger, menaçant l’unité et la souveraineté du pays, tout en permettant à la RSF de se regrouper. Il y a aussi la crainte qu’une force permanente ne conduise à la partition du pays, comme ce fut le cas avec la Mission des Nations unies au Soudan en 2005, qui a conduit à l’indépendance du Soudan du Sud en 2011.
Taqaddam, fondé en octobre 2023 et ayant tenu une conférence de fondation en mai 2024 à Addis-Abeba avec près de 600 participants des 18 États soudanais, rassemble des alliances, principalement dans les capitales européennes. Chatham House, dirigée par l’ex-ambassadrice britannique au Soudan Dame Rosalind Marsden, a salué Taqaddam pour sa vision de paix au Soudan, en opposition aux intérêts des acteurs militaires.
Certains, cependant, trouvent inacceptable la présence d’un membre d’un gouvernement occidental dans les affaires soudanaises. Pour eux, Abdullah Hamdok a mal interprété l’opinion publique, alors que le slogan « Un peuple, une armée » inspire désormais l’optimisme quant à une fin du conflit dans moins de deux à trois mois.