Sept années passées dans les geôles israéliennes, sept années perdues à jamais pour un crime inventé de toute pièce. Salah Hamouri avait espéré en avoir fini avec l’Etat sioniste, ses tortures physique et mentale et ses mensonges.
Malheureusement le cauchemar est revenu tambouriner à sa porte ce mercredi 23 août 2017.
Le désespoir avait pourtant fait place à l’espoir, mais la vie s’est une nouvelle fois arrêtée. Des dizaines de véhicules de l’armée israélienne se sont positionnés à l’aube de ce 23 août devant son domicile de Jérusalem-est occupé. Des militaires qui n’ont pas hésité à réveiller tout l’immeuble, appartement après appartement pour trouver Salah et le conduire, les yeux bandés vers une destination inconnue.
Les motifs ? ils n’en existent pas, l’Etat sioniste n’a pas besoin de se justifier, il peut à tout instant emprisonner, torturer, tuer sans raison.
Après avoir été accusé à tort de tentative de meurtre contre le rabbin Ovadia Yosef, défenseur de l’occupation et de la colonisation, la «justice militaire» a condamné Salah à sept ans de prison.
Libéré après avoir purgé sa peine, l’avocat continue néanmoins d’être harcelé par les autorités israéliennes qui refusent qu’il se rende en Cisjordanie. Son épouse et son fils ne peuvent vivre avec lui, mais ce n’était toujours pas suffisant pour l’occupant, il fallait aussi le priver de liberté.
A l’annonce de son arrestation, des milliers de personnes se mobilisent, pourtant le gouvernement français fait la sourde oreille. N’a-t-il pas pour habitude de tirer d’affaire les citoyens français lorsque ceux-ci sont en difficulté dans des pays étrangers ? Oui mais pas quand ces difficultés concernent l’Etat sioniste.
Dans une longue lettre envoyée depuis sa prison du Neguev, section 24, Salah Hamouri nous relate les circonstances de son arrestation et son espoir d’en finir avec les horreurs de l’occupation.
A ce jour, il ne fait l’objet d’aucune inculpation, il est pourtant incarcéré sans raison depuis le 23 août 2017.
« Pour la liberté je ne lâcherai rien. Le peuple palestinien, comme tous les autres, ne veut pas vivre à genoux. Et quelle force cela nous procure que de savoir que, vous aussi, vous n’avez pas l’intention de lâcher.
J’ai ressenti une étrange sensation, lorsque, le 23 août, aux alentours de 4h30, si je me souviens bien, j’étais tiré de mon sommeil par des bruits sourds. Quelqu’un s’acharnait sur la porte de mon appartement et appuyait nerveusement sur la sonnette à répétition. Je me suis dit que je connaissais ce type de vandalisme mais dans les toutes premières secondes, je pensais qu’il s’agissait d’un rêve. Je vis dans un bâtiment de six étages, à Jérusalem-Est. Chaque étage est composé de deux appartements. Les soldats et leur commandant ne savaient exactement dans quel appartement je vivais, alors, ils ont frappé brutalement à chaque porte. J’ai alors eu une pensée pour mes voisins, tous réveillés en plein nuit par les soldats, terrorisant chaque famille, je pouvais entendre des enfants pleurer.
Les soldats n’ont pas cessé de frapper sur ma porte jusqu’à ce que je finisse par ouvrir, encore engourdi par le sommeil. Le premier soldat que j’ai vu portait une cagoule. Je ne pouvais voir que ses yeux remplis de haine. Il m’a alors hurlé dessus, me demandant ma carte d’identité. Après vérification, les soldats présents ont appelé du renfort, en criant qu’ils avaient trouvé la personne qu’ils cherchaient. A la seconde où j’ai compris que la force occupante venait bien pour moi, mon cerveau m’a envoyé un ordre clair : “Une nouvelle bataille commence là pour toi, cet ennemi ne doit pas te vaincre une seule seconde”. Ils m’ont forcé à m’asseoir sur une chaise et trois soldats m’entouraient, leurs armes pointées sur moi. Pendant ce temps-là, leurs collègues ont fouillé tout l’appartement, bouleversant les meubles, les livres, les vêtements… Je les sentais fébriles, ils s’énervaient, ils ne trouvaient rien de ce qu’ils cherchaient dans cet appartement. Le commandant a fini par donner l’ordre de repli. Ils m’ont alors ordonné de m’habiller pour partir avec eux.
En marchant vers la porte d’entrée de mon appartement, avant d’en sortir pour une durée qui m’était inconnue, je fixais la photo de mon fils accrochée au mur. Dans son regard, j’ai puisé de la force pour affronter les durs moments qui m’attendaient. Je l’imaginais me dire “Papa, sois fort, on sera vite réunis tous les trois”. Je lui promettais alors de rester fort et de ne jamais donner l’occasion à cette occupation de nous confisquer notre humanité et de détruire notre vie comme elle s’acharne à le faire. Ils me bandèrent ensuite les yeux et me conduisirent dans une voiture blindée. La marche vers ce nouveau destin commençait. Une marche pénible vers un monde que je ne connais que trop bien. Un monde dans lequel nous devons rester forts, humains et garder notre sourire en toute circonstance. Une nouvelle fois, je suis conduit dans ce véhicule blindé vers l’endroit le plus sombre et le plus misérable pour un être humain : une prison de l’occupant.
En arrivant dans la prison du Neguev, après deux semaines passées dans le centre d’interrogatoire, tout me semblait tristement familier. Je suis rentré dans la section 24, j’ai vite reconnu les visages que j’avais quittés il y a quelques années. Je n’ai pas su quoi leur dire, j’étais soudainement impressionné de les retrouver ici. Parmi eux, certains sont derrière les barreaux depuis plus de quinze ans. Ils me questionnaient et je ne savais pas quoi leur répondre. “Qu’est ce qui est arrivé, pourquoi es-tu là ?”. Je n’avais pas les réponses à leurs questions. Pas plus que je n’arrivais à leur parler de l’extérieur, eux, qui sont là depuis tant d’années.
Que faisons-nous pour eux, pendant qu’ils paient le prix de leur lutte ? En les retrouvant, je me demandais si j’avais assez agi pour parler d’eux à l’extérieur. On a ensuite énormément discuté. Un détenu m’a dit “Ah tu es de retour, on va parler de nous en France alors !”. J’ai réalisé alors que malgré ma nouvelle privation de liberté, je n’avais aucun doute sur le fait que la mobilisation allait se mettre en place en France, c’est un véritable espoir pour moi et pour eux. J’ai pensé à toutes les personnes qui avaient déjà lutté pendant ma première incarcération et depuis, toutes celles et ceux que j’ai rencontrés en France et en Palestine. Aucun doute qu’ils seraient tous à nouveau au rendez-vous pour dénoncer l’injustice qui nous frappe.
Et des éléments que je reçois par fragments, je sais que vous êtes même plus nombreux que la dernière fois ! Des personnalités que j’apprécie, des élu-e-s, des citoyen-ne-s en nombre plus nombreux encore, vous vous êtes mobilisés pour dénoncer l’injustice, l’arbitraire et pour exiger ma libération.
Je vous en remercie très sincèrement. Je veux vous dire aussi que je serai digne du soutien que vous m’accordez. On ne marchande pas la liberté même si on la paie parfois très chère. Ce n’est pas une question d’entêtement mais de dignité et de principe : pour la liberté je ne lâcherai rien. Le peuple palestinien, comme tous les autres, ne veut pas vivre à genoux. Et quelle force cela nous procure que de savoir que, vous aussi, vous n’avez pas l’intention de lâcher. Cela, l’occupant ne le mesure pas. Moi je le ressens au fond de moi. Et c’est pourquoi même quand il pleut je pense au soleil qui vient…
Salah Hamouri
Novembre 2017, prison du Néguev, section 24 »
(Source : Comité National de Soutien à Salah Hamouri)