L’opération militaire de l’Ukraine par la Russie, qui a déjà exacerbé les problèmes alimentaires dans certaines parties de l’Afrique et du Moyen-Orient, perturbe les préparatifs du mois sacré du Ramadan et oblige à se tourner vers des repas frugaux au coucher du soleil.
Du Liban à la Tunisie et à la Somalie, les musulmans qui rompent traditionnellement le jeûne de l’aube au crépuscule avec de somptueux repas familiaux, ont maintenant du mal à se procurer même les produits de base les plus élémentaires à la lumière de la flambée des prix des denrées alimentaires et du carburant.
« Les prix élevés affectent et gâchent l’esprit du Ramadan », a déclaré Sabah Fatoum, un habitant de la bande de Gaza sous blocus israélien, où les prix des biens de consommation ont grimpé jusqu’à 11%, selon les autorités palestiniennes.
« Nous entendons dire que les prix vont encore augmenter (…) c’est un fardeau pour les gens », a déclaré à l‘AFP l’homme de 45 ans avant le mois sacré qui commence ce week-end avec l’observation du croissant de lune.
La Russie et l’Ukraine, avec de vastes régions céréalières qui comptent parmi les principaux greniers du monde, représentent une part énorme des exportations mondiales de plusieurs produits de base tels que le blé, l’huile végétale et le maïs.
La perturbation des flux d’exportation résultant de l’invasion russe et des sanctions internationales a fait craindre une crise mondiale de la faim, en particulier au Moyen-Orient et en Afrique, où les effets d’entraînement se font déjà sentir.
Le bilan est le plus évident dans des pays comme le Yémen, le plus pauvre du monde arabe, où une guerre dévastatrice depuis 2014 a déclenché l’une des pires crises humanitaires au monde.
Les prix des denrées alimentaires y ont doublé depuis l’année dernière et le fait que l’Ukraine fournit près d’un tiers des importations de blé du Yémen a accru les craintes d’une famine qui s’aggrave.
Mohsen Saleh, un habitant de la capitale Sanaa, a déclaré que chaque année les prix flambaient avant le Ramadan, « mais cette année, ils ont augmenté de façon folle, les gens ne peuvent pas le supporter ».
« La situation économique est très difficile », a déclaré à l’AFP l’homme de 43 ans. « La plupart des gens au Yémen sont pauvres et épuisés. »
En Syrie, où un conflit depuis 2011 a plongé près de 60 % de la population dans l’insécurité alimentaire, le ramadan est devenu pour beaucoup un douloureux rappel de jours meilleurs et révolus.
L’huile de cuisson a plus que doublé de prix depuis le début de la guerre d’Ukraine et est vendue en quantités limitées.
Le gouvernement syrien, pas épargné par son statut d’allié fidèle de Moscou, rationne également le blé, le sucre et le riz.
« Je pensais que le dernier Ramadan allait être notre plus frugal », a déclaré Basma Shabani, une résidente de Damas de 62 ans, revenant sur une année également marquée par la pandémie de Covid.
« Mais il semble que cette année nous retirerons encore plus de plats de notre pâte à tartiner.
« Nous ne pouvons plus nous permettre plus d’un type de plat sur notre table et je crains qu’à l’avenir, même ce plat ne soit hors de notre portée. »
A Tunis, les traditions du Ramadan ont également été mises à l’épreuve.
Les dons de nourriture, une coutume courante pendant le mois sacré, ont chuté à un filet, les anciens bienfaiteurs ayant maintenant du mal à se procurer les produits de base.
Mohamed Malek, un étudiant bénévole de 20 ans, collecte depuis des années des dons de nourriture pour le Ramadan.
« Notre panier de dons est généralement plein dans l’heure mais cette année ce n’est pas le cas« , a-t-il déclaré à l’AFP.
« Certaines personnes nous disent même ‘laissons-nous d’abord trouver de la nourriture par nous-mêmes’. »
Au Liban aussi, les réseaux caritatifs locaux se désagrègent alors que la crise ukrainienne accroît la pression sur une population durement touchée par une crise économique sans précédent depuis 2019.