Cette manière de ranger dans la case «terrorisme» tout attentat perpétré par un soi-disant musulman a fini par exaspérer la communauté musulmane rendue responsable de tous les maux de la terre.
Elle a été la première à dénoncer le lynchage médiatico-politique des auteurs d’attaques en fonction de leur religion ou de leur origine ethnique.
Ce constat sans équivoque a tout de même soulevé quelques questions outre-Atlantique après la tuerie de Las Vegas. L’assassin Stephen Paddock a brutalement mis fin à la vie de 59 personnes et blessé 500 autres, pourtant à aucun moment l’homme n’est accusé d’être un terroriste, pire les médias vont d’emblée considérer que l’attaque ne peut être qualifiée d’acte terroriste.
Pourquoi ? Pour la simple et bonne raison que l’auteur du massacre est un américain blanc.
Et comme nous l’avons déjà évoqué dans nos articles, les médias trouveront invariablement les mêmes circonstances atténuantes aux meurtriers blancs, estimant que leur geste est la conséquence d’une enfance difficile ou lié à des problèmes d’ordre psychologique.
Des «justifications» qui ne seront jamais envisagées dans le cas d’un assaillant d’origine Arabe.
Cependant, cet énième carnage typiquement américain aura eu pour effet d’attiser la curiosité de la presse américaine qui s’interroge sur les circonstances qui ont mené un sexagénaire millionnaire à se doter d’un véritable arsenal pour tirer au hasard sur des gens venus assister à un concert ?
Une semaine après les faits, personne ne peut se prononcer sur les motivations du tueur et ce ne sont pas les pathétiques revendications de Daech qui pourront éclairer notre lanterne.
Mais peu à peu les voix s’élèvent ici et là pour dénoncer l’empressement médiatique à minimiser la responsabilité de Paddock en lui trouvant mille et une excuses.
Et «si le tireur avait été musulman» ? Aurait-il bénéficier de tant d’indulgence et de compassion des médias ?
Une politique du deux poids, deux mesures qui a poussé C.J. Werleman, un éditorialiste au Middle East Eye, a publié une tribune à ce sujet : « Cela fait plus de 36h depuis que Stephen Paddock a massacré 59 personnes (…) et nulle part, les mots “terroriste » ou “terrorisme” ont été employés pour (qualifier) cet atroce acte de violence », écrit-il.
« Au lieu de ça, l’assaillant blanc a été humanisé d’une manière dont aucun musulman ou personne de couleur l’aurait été si elle avait perpétré cela », affirme-t-il.
Certains médias ont interviewé le frère de Paddock qui l’a décrit comme un citoyen modèle vivant dans une communauté de retraités et dont le seul péché se limitait à jouer au poker.
Les assassins de masse blancs sont généralement dépeints comme de malheureux «psychopathes» souffrant de troubles neurologiques, tandis que les détraqués d’origine étrangère sont si l’on en croit les médias totalement immunisés contre les maladies mentales et n’agissent que pour défendre une idéologie politique ou religieuse.
Joshua Kertzer et Connor Huff, deux universitaires de l’université d’Harvard, ont mené une étude sur un panel de 1400 Américains publiée dans le Washington Post. Selon leurs analyses de la perception du terrorisme et son traitement médiatique, il s’avère: « (…) que les médias traitent les assaillants musulmans différemment ; ils sont moins susceptibles d’être renvoyés à des personnes souffrant de maladie mentale et leurs actions sont plus susceptibles d’être attribuées à des motivations politiques ». Les résultats de leur étude « suggèrent que la couverture médiatique forme profondément la façon dont le public comprend les événements violents ».
Thomas Friedman soupçonne même que « si Stephen Paddock avait été musulman », « personne nous reprocherait de déshonorer les victimes et de “politiser” le meurtre de masse de Paddock, en parlant de remèdes préventifs », a-t-il écrit dans le New York Times.
En parlant de “politiser” le geste de Paddock, Friedman fait référence à la libre vente des armes à feu. Sous prétexte de respecter le deuil des victimes, les politiciens ne veulent surtout pas aborder le nœud du problème.
Pourtant si Daech avait effectivement commandité l’attentat de Paddock, Thomas Friedman assure que Donald Trump aurait probablement décidé de: « retourner la planète et de traquer, jusqu’au dernier combattant, l’Etat islamique en Syrie, en déployant des B-52, des missiles de croisières, des F-15, des F-35 et des U-2. Nous aurions demandé à nos jeunes hommes et femmes de se sacrifier pour tuer ou capturer jusqu’au dernier terroriste. »
Mais s’attaquer au puissant lobby des armes aux Etats-Unis semble être un défi qu’aucun homme politique pas même le président américain en personne n’oserait relever.
Aucun parlementaire n’irait « (…) risquer son siège au Congrès et de se lever pour légiférer de sorte à ce qu’il soit un peu plus difficile pour un Américain de stocker un arsenal de 42 fusils », comme l’a fait le tueur de Las Vegas.
Une étude du think tank New America rappelle que la majorité des Américains victimes d’armes à feu sont morts des suites d’actes perpétrés par des activistes d’extrême droite et non à cause de potentiels terroristes musulmans.