Le Ramadan est un mois exceptionnel. Comme de nombreux·ses musulman·e·s, bien que je sois gourmande, j’arrive à cesser de manger durant plusieurs heures consécutives. Je me suis donc lancé un défi, quelque chose qui me semblait impossible : profiter de ce mois béni pour devenir végétalienne.
Pourquoi le mode de vie vegan ?
Végétarienne depuis 2013, je n’ai jamais vraiment été une grande carnivore. Dès mon plus jeune âge, j’appréciais rarement la viande, sauf le poulet façon KFC (il faut avouer que c’est particulièrement bon). En revanche, j’aimais beaucoup le poisson et les fruits de mer, mon père étant pêcheur. J’ai cessé tous ces aliments quelques jours après mes quinze ans.
Ma principale motivation était le bien-être des animaux, dont les conditions actuelles d’élevage sont malheureusement très souvent critiquables. Selon Muslim, le prophète Muhammad (pbsl : que la Paix et la Bénédiction soient sur lui) aurait dit : « Certes, Allah a prescrit la bienfaisance dans toutes choses. Si vous tuez, tuez bien et si vous égorgez, égorgez bien », concernant les bêtes sacrifiées. À mon humble avis, la conjonction « si » indique que le végétarisme est tout à fait compatible avec l’islam, puisqu’il n’est pas obligatoire de tuer l’animal.
Le meilleur des hommes semblait lui-même flexitarien (mangeant de la chair animale seulement de temps en temps), selon Anas ibn Malik, ayant rapporté qu’ « il ne se trouvait chez le Prophète de déjeuner ou de dîner où le pain et la viande furent réunis, sauf lorsqu’il y avait de nombreux convives ».
Je considère que la société d’abondance alimentaire dans laquelle nous vivons permet de manger correctement sans chair animale. J’étais étonnée de constater à quel point j’ai trouvé les conséquences de ce choix faciles, mise à part la façon dont les végétarien·ne·s sont perçu·e·s dans la société (« Bouh les méchants moralisateurs et limite fachos comme Brigitte Bardot », m’a-t-on fait comprendre). Je fais tout de même un peu honte à mes amies, quand j’ose demander un sandwich aux légumes dans un kebab (n’empêche qu’ils acceptent toujours !).
En revanche, le véganisme… C’est beaucoup plus compliqué, notamment en France. Depuis que je suis végétarienne, je suis convaincue que ce mode de vie est ce qui me conviendrait le mieux. Je le trouve plus cohérent avec mes convictions, qui seraient de ne pas utiliser les animaux si je n’en ai pas véritablement besoin. Selon `Ubayd Allâh Ibn Muhsin, le messager d’Allah aurait affirmé :
Celui d’entre vous qui se réveille le matin en sécurité parmi les siens, ne souffrant d’aucun mal dans son corps et possédant la nourriture de sa journée, c’est comme si l’on avait mis tous les biens de ce monde en sa possession.
Le véganisme était à mon sens un moyen de me rapprocher d’Allah en mangeant plus simplement, en étant sûre de causer moins de mal aux animaux et en évitant les maux de ventre que j’éprouvais parfois à cause du lait.
Mais renoncer aux petits plaisirs des glaces, des barres chocolatées et des pains au chocolat de la boulangère du samedi matin… C’était trop pour la gourmande que je suis.
J’ai tenté de devenir végétalienne quelques jours après mes dix-neuf ans, me sentant prête, après un an et demi où je remplaçais les produits laitiers par des alternatives végétaliennes, comme les yaourts au soja (ça peut être bon quand c’est à la vanille ou aux noisettes !).
J’ai pu respecter cela, mais jamais plus de quinze jours. Le Ramadan m’a semblé l’occasion rêvée pour me familiariser encore plus avec le mode de vie vegan. Ainsi, durant ce mois béni, je n’ai mangé aucun produit contenant des éléments d’origine animale (lait, miel, œufs…). Ce fut une agréable surprise.
Mon Ramadan vegan
Ce que j’appréhendais le plus, c’était le sentiment de manque. Je mange beaucoup de sucreries et j’avais peur de ne rien trouver de délicieux et végétalien. La plus grande erreur à commettre quand on se lance dans ce mode d’alimentation, c’est de n’acheter que des produits chers dans des boutiques spécialisées. Comme il existe une certaine mode healthy et vegan, les prix sont loin d’être innocents… J’ai préféré découvrir par moi-même ce que l’on pouvait cuisiner et trouver comme produits végétaliens dans des supermarchés.
J’étais ravie de dénicher de nombreuses pâtisseries orientales sans miel et sans beurre, dans les épiceries turques de Clignancourt, quartier du XVIIIème arrondissement de Paris. Ce n’est pas cher tout en étant succulent. Surtout le kalb el louz, gâteau à la semoule dont je suis amoureuse.
J’ai également trouvé une sorte de Nutella et de la glace végétalienne à Monoprix, aussi chère que mon fameux pot Häagen-Dazs mais tellement magique. Les cookies de Naturalia sont également délicieux et j’ai même pu manger des gâteaux inspirés des Prince, dans un supermarché de Nanterre, dont le long paquet coûtait à peine un euro !
Les femmes de ma famille ont été extrêmement bienveillantes et ont cuisiné des choses délicieuses. Elles veillaient à ce que je puisse toujours goûter leurs plats, bien que le végétalisme leur faisait peur, considérant que c’est difficile de produire quelque chose de bon et de végétalien. Elles ont elles-mêmes été surprises de voir que c’était un régal, à l’instar des fameux beignets au sucre de ma mère, encore meilleurs dans leur version sans beurre. Je suis aussi fière de mes chaussons aux pommes de terre, aux oignons et au curry.
Le Ramadan m’a donc permis de prendre de nouvelles habitudes alimentaires et d’éradiquer ma crainte de « l’impossible ». Lorsque je songeais à devenir végétalienne, malgré toute ma volonté, je m’en sentais incapable. Désormais, cela me paraît tout à fait faisable et beaucoup moins contraignant que je le pensais.
Ce n’est pas forcément plus cher qu’un autre mode d’alimentation, si on cherche bien. Je me sens aussi clairement en meilleure forme. Le Ramadan nous aide à changer nos habitudes durant un mois, mais également pour le reste de notre vie, al hamdoulillah (la louange est à Dieu).
[Témoignage confié à Lallab Magazine]